Gabon : L’ancienne Première Dame et son fils condamnés à vingt ans de prison par contumace
Libreville, Mercredi 12 Novembre 2025 (Infos Gabon) – La Cour criminelle spéciale de Libreville a rendu, dans la nuit du mardi 11 au mercredi 12 novembre 2025, son verdict dans l’une des affaires les plus sensibles de l’histoire récente du Gabon.
L’ancienne Première Dame, Sylvia Bongo Ondimba, et son fils Noureddine Bongo Valentin, ont été condamnés à vingt ans de réclusion criminelle pour détournement de fonds publics et blanchiment, à l’issue d’un procès qu’ils ont choisi de boycotter, estimant que les conditions d’un procès équitable n’étaient pas réunies.
Un verdict rendu en l’absence des principaux accusés
Les deux accusés n’étaient présents dans la salle d’audience de la Cour criminelle spéciale, siégeant au Palais de justice de Libreville. Installés à Londres depuis leur libération provisoire en mai 2025, les deux anciens membres du premier cercle de l’ancien pouvoir ont été jugés par contumace, conformément aux dispositions du Code pénal gabonais.
Le président de la Cour, Jean Mexant Essa Assoumou, a déclaré les deux accusés coupables de plusieurs chefs d’accusation, dont le détournement de fonds publics, l’enrichissement illicite, le blanchiment d’argent et la complicité de faux en écriture. Dans son arrêt, il a souligné le caractère « aggravé et systématique » des faits reprochés, évoquant des montants « considérables » prélevés sur les ressources publiques à des fins personnelles.
L’absence remarquée des avocats et les arguments de la défense
Depuis plusieurs semaines, leurs avocats français avaient annoncé leur refus de se présenter devant la Cour criminelle spéciale, dénonçant une procédure « précipitée » et « partiale ». Dans une déclaration diffusée sur les réseaux sociaux, Noureddine Bongo avait pris la parole pour justifier cette absence :
« Les conditions d’un procès juste et équitable ne sont toujours pas réunies. Nous n’avons aucune confiance dans un système judiciaire qui agit sous pression politique. »
Selon ses conseils, la défense n’aurait pas eu accès à l’intégralité du dossier d’instruction, ni obtenu les garanties minimales de transparence et de respect des droits de la défense.
Le procureur général Eddy Minang, pour sa part, a rejeté ces arguments, affirmant que les deux prévenus avaient été « régulièrement cités à leur domicile à Libreville » à la mi-octobre et que « toutes les garanties procédurales avaient été respectées ».
« L’absence des accusés ne suspend pas la justice. Le peuple gabonais a droit à la vérité et à la reddition des comptes », a-t-il déclaré à l’ouverture de l’audience.
Douze autres accusés, un procès sous tension
Sur les douze personnes poursuivies dans ce dossier tentaculaire, neuf étaient présentes au tribunal. Tous sont d’anciens proches collaborateurs de l’ancien président, arrêtés au lendemain du coup de libération du 30 août 2023 qui a mis fin à l’ancien régime.
Parmi eux, plusieurs anciens hauts fonctionnaires et conseillers de la présidence. L’un des principaux accusés, Mohamed Saliou Oceni Abdul, était quant à lui absent, officiellement pour « raisons de santé ». Le directeur de la prison centrale de Libreville a affirmé que le détenu était « dans l’incapacité de se déplacer », tandis que des sources concordantes affirment qu’il aurait quitté le pays depuis plusieurs mois.
Cette situation a conduit à plusieurs suspensions d’audience dès lundi, obligeant la Cour à dysjoindre les procédures : d’un côté, celle visant Sylvia et Noureddine Bongo, jugés par contumace ; de l’autre, celle des dix autres accusés, dont le procès s’ouvre ce mercredi à midi.
Un contexte politique et symbolique
Cette condamnation marque une nouvelle étape dans la refondation institutionnelle engagée depuis la transition politique au Gabon. Le chef de l’État, élu en avril 2025 à l’issue d’une élection post-transition, avait fait de la lutte contre la corruption et la restitution des avoirs publics un pilier central de sa gouvernance.
Mais cette affaire, au retentissement national et international, divise l’opinion. Certains y voient un acte de justice nécessaire, destiné à solder les comptes d’un passé jugé opaque. D’autres dénoncent une procédure politique, estimant que la justice gabonaise doit éviter toute instrumentalisation et respecter scrupuleusement les droits de la défense.
Une affaire loin d’être close
Si le verdict de 20 ans de prison a été rendu, la procédure n’est pas close. En vertu de la législation gabonaise, Sylvia et Noureddine Bongo pourront demander un nouveau procès dès leur retour au pays ou s’ils décident de se constituer prisonniers. En attendant, le parquet pourrait engager des démarches internationales, pour assurer l’exécution du jugement.
Ce procès, qui restera comme l’un des plus emblématiques du Gabon contemporain, soulève des questions fondamentales sur la justice, la responsabilité publique et l’avenir politique du pays. Entre quête de vérité et défi de légitimité judiciaire, le Gabon s’efforce de trouver un équilibre entre exigence de justice et respect de l’État de droit, une équation délicate qui continue de faire débat.
FIN/INFOSGABON/SO/2025
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