Présidentielle au Cameroun : Paul Biya face à l’épreuve des urnes pour un huitième mandat
Libreville, Dimanche 12 Octobre 2025 (Infos Gabon) – Près de huit millions de Camerounais sont appelés aux urnes ce dimanche 12 octobre pour élire leur président de la République.
Dans une atmosphère relativement calme, les bureaux de vote ont ouvert à 8 heures sur l’ensemble du territoire national et dans la diaspora, marquant un nouveau tournant politique pour ce pays d’Afrique centrale dirigé depuis plus de quatre décennies par Paul Biya, candidat à sa propre succession.
À 92 ans, le président sortant, au pouvoir depuis 1982, brigue un huitième mandat. Son parti, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), a mené une campagne d’une intensité inédite, déployant ses cadres dans les 360 communes du pays. Hier encore, les derniers meetings ont rassemblé des milliers de partisans, notamment à Yaoundé et à Bafoussam, où la ferveur des militants contrastait avec la lassitude visible d’une partie de la population urbaine.
Un vote sous le signe de la stabilité ou du changement
Pour beaucoup, ce scrutin apparaît comme un référendum sur le système Biya, plus que comme une simple élection présidentielle.
Les partisans du chef de l’État vantent la stabilité politique du Cameroun, sa résilience économique dans un contexte régional troublé, et ses efforts pour préserver l’unité nationale face aux crises sécuritaires dans le Nord et dans les régions anglophones.
Ses détracteurs, eux, dénoncent une fatigue du pouvoir, une gouvernance vieillissante et un appareil d’État figé dans la routine administrative.
Dans un discours teinté d’émotion, le président sortant a promis, s’il est réélu, de consacrer son prochain mandat à la jeunesse et aux femmes, qui constituent ensemble plus de 60 % de la population. “Le Cameroun doit désormais donner à sa jeunesse la place qu’elle mérite dans la construction de notre avenir”, a-t-il lancé vendredi, sous les applaudissements de ses partisans.
Les dissidences du Nord, un enjeu clé
Mais c’est dans le Grand Nord — les régions de Ngaoundéré, Garoua et Maroua — que se joue sans doute une part cruciale du scrutin.
Cette zone, traditionnellement acquise au RDPC, est aujourd’hui traversée par des tensions politiques inédites : deux figures historiques du régime, Bello Bouba Maigari (UNDP) et Issa Tchiroma Bakary (FSNC), anciens ministres passés à l’opposition, y ont rassemblé des foules impressionnantes.
Selon plusieurs observateurs, ces bastions du septentrion pourraient peser lourd dans le résultat final, tant leur poids électoral est déterminant à l’échelle nationale. “Si Biya garde le Nord, il garde le Cameroun”, résume un politologue de l’université de Ngaoundéré.
Une opposition en quête d’un second souffle
Face au président sortant, l’opposition tente de résister. Parmi les figures les plus en vue, Cabral Libii (PCRN), Joshua Osih (SDF), Bello Bouba Maigari (UNDP) et Issa Tchiroma Bakary (FSNC) ont animé des campagnes dynamiques, surtout dans les grands centres urbains comme Douala, où le mécontentement populaire reste palpable.
Douala, justement, reste “la frondeuse”, bastion historique de l’opposition. Là, les meetings du RDPC ont peiné à mobiliser. Les électeurs, lassés par des décennies de promesses non tenues, attendent “du concret, pas des slogans”, confie une commerçante du quartier Akwa.
Sur les douze candidats initialement en lice, deux se sont désistés dans la dernière ligne droite : Seta Caxton Ateki (Parti de l’alliance libérale, PAL) et Akere Muna (Parti Univers), qui ont choisi de rallier Bello Bouba Maigari. Leurs bulletins figurent néanmoins toujours sur les listes électorales, conformément au Code électoral camerounais, qui ne permet pas de retrait tardif.
Un scrutin test avant les législatives et municipales de 2026
Au-delà du choix présidentiel, ce vote est aussi un test grandeur nature avant les élections législatives et municipales prévues en février 2026. Leur organisation dépendra en grande partie du climat post-électoral. En cas de contestation ou de violences, le calendrier pourrait être compromis.
Pour l’heure, ELECAM, l’organe électoral indépendant, se veut rassurant : “Les opérations se déroulent globalement bien sur l’ensemble du territoire”, a indiqué son porte-parole dans un point de presse à la mi-journée, tout en reconnaissant quelques retards logistiques dans les zones reculées de l’Adamaoua et du Sud-Ouest.
Un pays suspendu au verdict des urnes
À Yaoundé, Douala, Garoua ou Bafoussam, l’ambiance est mêlée de ferveur et d’attente. “On vote, mais on sait déjà”, ironise un jeune électeur rencontré à Bastos par notre correspondant. “Ici, le suspense, c’est seulement sur le taux de participation.”
Les premiers résultats partiels devraient être connus dès lundi soir, mais le verdict officiel ne sera pas proclamé avant plusieurs jours, le temps pour ELECAM et le Conseil constitutionnel de compiler et de valider les procès-verbaux.
Quoi qu’il en soit, ce scrutin dessine déjà les contours du Cameroun politique de demain : un pays où la longévité du pouvoir reste un gage de stabilité pour certains, mais un symbole d’immobilisme pour d’autres. Et où, qu’on le veuille ou non, Paul Biya, “le Sphinx d’Etoudi”, continue de régner sur le temps et sur les urnes.
FIN/INFOSGABON/SO/2025
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