Gabon : Marc Ona devant le juge
Libreville, 11 mars 2013 (Infos Gabon) – C’est lorsque le prévenu Marc Essangui a parlé de « collusions d’intérêts », en lieu et place du « business », terme central dans l’acte d’accusation, que le ministère public a cru tenir cette fois le bon bout pour mieux le comprendre. Poursuivi par « procédure de citation directe par voie d’huissier » pour délit de diffamation contre la personne de Liban Soleiman, chef de cabinet du Président de la République gabonaise, le président de l’ONG Brainforest, Marc Ona a comparu vendredi dernier au tribunal de première instance de Libreville, où il était assisté de Me Rufin Nkoulou Ondo, tandis que la partie civile avait pour conseillers Mes Francis Nkea et Georges Arama.
A deux reprises au cours d’une réunion à Mitzic et lors d’un débat télévisé à TéléAfrica, le prévenu, Marc Ona Essangui, avait soutenu que « la société Olam Gabon était la propriété d’Ali Bongo Ondimba et de Liban Soleiman ».
S’estimant diffamé, parce que n’ayant aucun intérêt dans cette société, Liban Soleiman a donc décidé d’ester en justice. En dépit des circonvolutions propres à un procès qui se voulait épique, c’est autour de ses propos que l’acte d’accusation s’est fondé.
« M. Ona Essangui, oui ou non, avez-vous tenu ces propos selon lesquels Olam est le business de Liban Soleiman (car le chef de l’Etat n’étant pas partie civile dans cette affaire, je ne parle pas de lui) ? », a demandé à l’accusé le président du tribunal, M. Fulgence Ongama.
Le prévenu, qui ne voulait pas répondre directement à la question, a été, avec méthode, interrompu dans son développement et ramené sur la lettre de cette « question fermée » par le Président du Tribunal.
Le procureur de la République, Sidonie Flore Ouwé, qualifie de « dilatoire » la technique de défense employée par Marc Ona Essangui, qui veut faire l’historique sur les circonstances dans lesquelles ont été tenus ces propos. Encore que pour lui, « il a tenu ces propos mais pas dans cette formulation ».
Son avocat et lui ont tenu à ce que leur demande de disposer de la bande originale de l’émission-débat de TéléAfrica leur soit fournie.
« Car j’exprime une vive inquiétude d’être au centre d’une vaste manipulation, mes propos ont été déformés et je l’ai su seulement quand j’ai suivi cette émission sur internet », a souligné Marc Ona Essangui.
Me Francis Nkéa contourne cet argumentaire en faisant intervenir à la barre un témoin, Hervé Ndong Nguema, celui-là même qui, au cours de l’émission, avait demandé au président de Brainforest s’il persistait dans ces propos.
« J’étais à cette émission et M. Marc Ona Essangui était revenu sur ces propos tenus à Mitzic. D’ailleurs, c’est à cause d’une précédente émission au cours de laquelle on avait projeté leur réunion de Mitzic qu’il avait exigé de la direction de TéléAfrica une autre émission en guise de droit de réponse. Et c’est alors que je lui avais demandé s’il pouvait continuer à tenir ces accusations en disant qu’Olam est le business d’Ali Bongo Ondimba et de Liban Soleiman. Il m’avait alors répondu que je ne parle jamais sans preuves ».
Le président du Tribunal se tourne vers l’accusé : « M. Marc Ona, que dites-vous de cette relation du témoin ? ». Le prévenu, sans se démonter, revient à son préalable consistant à ce que lui soit produit la bande de cette émission. Mieux, il met en marche son ordinateur portable pour présenter la même émission, mais tronquée, puisée sur internet.
Cependant, il reconnait « qu’il y a des fortes collusions entre la société Olam et le sommet de l’Etat ». « Collusion ? ». Le terme est lâché.
Et il n’en faut pas plus pour que Me Francis Nkéa s’engouffre dans la brèche ainsi créée. « Les deux mots ‘‘ business et collusion’’ ayant plus ou moins le même sens, ».
Pour le ministère public, c’est un aveu : « les contractions ont été longues, mais le bébé est quand même né… », dira Sidonie Flore Ouwé. Elle a requis 1 an d’emprisonnement ccontre le prévenu et 30.000.000 FCFA pour réparation de préjudice.
Le président du tribunal veut en savoir un peu plus : « M. Marc Ona qu’est-ce qui vous fait dire qu’il y a une collusion entre Olam et la partie civile ? ».
Le prévenu va souligner « l’empressement avec lequel la première institution de la République s’investit dans tout ce qui concerne Olam, comme si au Gabon il n’y avait pas d’autres opérateurs économiques. La collusion est évidente… »
Ce que ne partagent pas tous les avocats de la partie civile, car en disant qu’ « Olam est le business d’Ali Bongo Ondimba et de Liban Soleiman », il faut que l’accusé présente « les preuves de leur présence dans la vie de cette société, et non des suppositions ».
C’est le 29 mars 2013 que Marc Ona Essangui sera fixé sur son sort, l’affaire ayant été mise en délibéré à cette date.
Une affaire qui alimente les débats dans les réseaux sociaux à l’image de facebook. Toutefois, la décision du Tribunal est très attendue par les gabonais et plusieurs observateurs. Ce jour là, à qui le Tribunal donnera-t-il raison ? A Marc Ona ou à Liban Soleiman ? Selon les juristes, sans preuves de ses propos, Marc Ona tend vers la condamnation…
FIN/INFOSGABON/CE/2013
© Copyright Infos Gabon