Gabon : Le regard de Minlama Mintogo sur les grands sujets du moment

Libreville, Mercredi 10 Janvier 2018 (Infos Gabon) – Dans une interview à la presse gabonaise, le président d’Ensemble pour la République donne son avis sur la situation sécuritaire et économique du pays, souhaite l’avènement d’une nouvelle Constitution et suggère la mise en place d’une Commission vérité et réconciliation pour panser les plaies.
Une situation sécuritaire préoccupante
Depuis quelque temps, le Gabon connait une situation sécuritaire des plus préoccupantes marquée par des agressions à répétition. Avec l’attaque par un gendarme d’élèves dans un bus, l’agression au poignard d’un élève par son camarade dans un lycée à Oyem, l’on vit dans une peur permanente. La récente agression des deux journalistes danois en mission au Gabon vient s’ajouter à ce tableau sombre.
Sur les causes de ce phénomène, Dieudonné Minlama Mintogo dénonce l’achat des consciences devenu systémique dans le pays. «C’est devenu un fourre-tout, où tout se monnaie. Nous avons des vices, des trafics et tout type de violence. Nous parlons même de prostitution. Comment s’étonner que dans ce milieu la violence y trouve un terreau propice? C’est le contraire qui aurait étonné ! Cette violence est un cri d’alarme, un avertissement et le pire peut venir de nos écoles et collèges», affirme-t-il.
Pour en sortir, il propose la création d’un Conseil national pour l’éducation et la formation ainsi que l’organisation d’un dialogue sur l’éducation au Gabon. «Car, nous ne pouvons plus continuer avec ce système, en l’état. Si nous échouons avec l’éducation et la formation de notre jeunesse, nous ne récolterons rien de bon demain», prévient le président d’Ensemble pour la République.
Il argue qu’un assainissement profond du milieu éducatif est une solution efficace et durable au problème. «Nous devons assainir ce milieu, le rendre tel qu’il était il y a une trentaine d’années pour que l’éducation retrouve ses lettres de noblesse», souligne-t-il.
Une situation économique critique
A ce sujet, Dieudonné Minlama Mintogo met en cause la mauvaise gouvernance et la mauvaise gestion qui ont contribué à dilapider les ressources du pays. Il indexe à cet effet les erreurs du passé. «Nous avons raté la transition économique au Gabon. Malheureusement, nous avons toujours été un pays vivant de la simple exploitation de ses ressources minières et naturelles. Nous n’avons pas pu développer un système économique, en partant du secteur primaire au secteur secondaire, et même tertiaire. Là est tout le problème justement (…) Nos gouvernants ont gâché les plus belles années de la vie de notre pays, en utilisant les revenus du pétrole pour partager de l’argent entre les uns et les autres, avec un taux de corruption très élevé», dénonce l’orateur.
«L’argent du pétrole a été utilisé pour la consommation, la distribution et non pour le développement du pays et la mise en place d’une économie compétitive. Nous sommes à la croisée des chemins, nous devons nous décider. Je sais que ça va être compliqué, car il nous faut partir de cette économie de rente pour entrer dans la production», croit-il savoir.
Comme ordonnance, il prescrit une réelle diversification de notre économie. «D’un côté, il faut pouvoir tenir la gestion du quotidien de l’Etat. Et de l’autre, il y a nécessité de rompre avec l’ancien système pour mettre en place une économie réellement moderne, basée sur l’industrialisation et le développement des services. Cette transition risque d’être longue et difficile. Et pendant cette période, les emprunts ne cesseront sûrement pas s’il n’y a pas d’embellie, notamment au niveau du pétrole. Je suis conscient que nous sommes face à une situation tendue. Et, maintenant, il nous faut beaucoup de courage pour atteindre cet objectif de diversification», soutient ce leader d’opinion.
A l’instar de l’agriculture où la mayonnaise commence déjà à prendre avec le groupe Olam qui fait un travail remarquable, il pense que d’autres secteurs d’activités doivent aussi emboîter le pas.
Pour lui, tout n’est pas encore perdu. Surmonter la situation actuelle, selon lui, exige un changement dans la façon de gérer le bien public. «La mal gouvernance, les détournements, l’impunité. C’est là où nous devons apporter des changements drastiques. A coté de ces changements nécessaires, je pense que nous disposons encore de gros atouts pour réussir (…) Nous devons mettre en place un cadre attractif pour favoriser l’arrivée des investisseurs», lance-t-il.
En citant également en exemple la mise en service du port cargos d’Owendo avec un investissement de 180 milliards de francs CFA qui n’a coûté aucun sou à l’Etat, il recommande le développement des partenariats public-privé qui semble la voie du salut.
Pour ce qui est des difficultés d’approvisionnement en eau potable et en électricité que connaissent les Gabonais, Dieudonné Minlama Mintogo dénonce le contrat entre l’Etat et la Société d’eau et d’électricité du Gabon (SEEG) qui n’apporte pas satisfaction aux Gabonais.
«Ces derniers ont-ils accès à l’eau et l’électricité à un prix décent? Je dis non. Il y a des quartiers à Libreville où les populations passent un mois, voire plus, sans une goutte d’eau. Et le pire, c’est que les factures d’eau sont toujours aussi élevées. A la lumière de ces faits, il est clair que le contrat entre l’Etat et la SEEG est loin d’être potable. Je ne parlerai de satisfaction qu’à partir du moment où les Gabonais auront l’eau et l’électricité en tout temps et tout lieu, et paieront des factures correspondant à leur réelle consommation», soutient-il.
Une nouvelle Constitution pour mieux asseoir la démocratie
Le président d’Ensemble pour la République voit avec optimisme l’avènement d’une nouvelle Constitution (soumise au vote du parlement réuni en congrès ce mercredi 10 janvier, ndlr) qui apportera une réponse viendra régler une fois pour toutes la sempiternelle querelle autour de la crédibilité des élections.
«Je pense que la révision actuelle est exceptionnelle en ce sens qu’elle est issue d’un consensus politique. Mais, dans le futur, lorsque nous aurons des institutions en charge de l’organisation des élections crédibles, un fichier électoral fiable, une loi électorale acceptée par tous, nous pourrons faire des révisions constitutionnelles à travers le référendum. Pour le moment ce n’est pas encore le cas (…) Lorsque nous aurons totalement promulgué et adopté la nouvelle Constitution, nous aurons amélioré notre démocratie. Je sais qu’il y a aussi un débat autour de la non-limitation du nombre de mandats. Il est vrai que j’étais favorable à une limitation, mais ma position a évoluée. Je pense qu’avec les élections libres, démocratiques et transparentes, le peuple souverain pourra limiter les mandats de lui-même», clame Dieudonné Minlama Mintogo.
Une Commission vérité et réconciliation pour panser les plaies
Dieudonné Minlama Mintogo reste convaincu de ce que la mise en place d’une Commission vérité et réconciliation permettra de passer efficacement l’éponge sur les différentes crises que le pays a connues jusqu’ici et parvenir au pardon. «Pour se réconcilier, il faut au préalable passer par la case vérité. La vérité soigne, la vérité guérit (…) Je ne pense pas que le tribunal soit le meilleur lieu pour solder les comptes», a-t-il conclu.
FIN/INFOSGABON/PM/2018
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