Ali Bongo Ondimba:« Je vais bien »

Libreville, Lundi 29 Mars 2021 (Infos Gabon) – Dans un entretien exclusif accordé à Jeune Afrique, le président gabonais s’exprime sans tabou sur son état de santé, la lutte contre la corruption, l’incarcération de son ancien directeur de cabinet, Brice Laccruche Alihanga, le rôle de Noureddin Bongo Valentin à ses côtés, les réformes économiques en cours et la riposte contre le Covid-19. Nous vous proposons quelques extraits de cet échange avec l’hebdomadaire panafricain.
« Pour la première fois depuis l’accident vasculaire cérébral (AVC) qui l’a frappé, en octobre 2018 en Arabie saoudite, Ali Bongo Ondimba a enfin accepté de donner une interview. Un entretien exclusif, sans tabous ni véritable préparation (…) Ali Bongo Ondimba nous a reçu le 16 mars en fin de matinée, dans le salon des ambassadeurs du Palais du bord de mer, siège de la présidence. Souriant et détendu, métamorphosé (il a perdu une quarantaine de kilos), le chef de l’État s’est prêté pendant plus d’une heure à ce jeu des questions-réponses qu’il n’affectionne guère.
Son élocution était normale, peut-être moins fluide qu’avant son AVC. Tout juste cherchait-il parfois longuement ses mots, sur les sujets les plus techniques. Physiquement, il a récupéré sa motricité et l’usage complet de ses membres, notamment de ce côté droit longtemps récalcitrant, bien que sa jambe rechigne encore à lui obéir totalement et qu’il doive se déplacer avec une canne et à son rythme, qui n’est plus celui du temps, pas si lointain, où il jouait au foot avec ses proches le dimanche soir. Le résultat d’un long combat, de centaines d’heures de rééducation et d’orthophonie, d’une nouvelle hygiène de vie que s’est imposée cet ancien amateur de bonne chère et de cigares.
Ali Bongo Ondimba sait qu’il est un miraculé, que si son AVC avait eu lieu à Libreville ou au Tchad, où il devait se rendre le lendemain de son accident, il ne serait sans doute plus de ce monde, et il a changé. C’est d’ailleurs nous qui avons mis fin à l’entretien, notre stock de questions épuisé. Lui aurait bien continué…
Vous avez été victime d’un grave AVC en Arabie saoudite, en octobre 2018. Comment allez-vous aujourd’hui ?
Grâce à Dieu, je vais bien, et je tiens à remercier à nouveau les autorités des royaumes d’Arabie saoudite et du Maroc pour leur accueil chaleureux et fraternel. Je remercie également les Gabonaises et les Gabonais qui, en pensées et en prières, m’ont accompagné durant cette épreuve. J’ai puisé beaucoup de force dans leur soutien. Enfin, je redis merci à ma famille, tout particulièrement à mon épouse et à mes enfants, qui ont été constamment à mes côtés.
Vous avez nommé votre fils aîné, Noureddin Bongo Valentin, coordinateur général des affaires présidentielles. Quelle mission lui avez-vous réellement confiée ? Certains disent que vous le préparez à vous succéder, en 2023 par exemple…
C’est moi qui lui ai demandé de venir travailler au service des Gabonaises et des Gabonais. Il a alors, sans hésiter, quitté un travail qu’il aimait et dans lequel il réussissait.
Noureddin, en qui j’ai évidemment toute confiance, est extrêmement compétent. Il m’assiste au quotidien, veille à ce que mes directives soient bien exécutées et en assure le suivi. Il occupe une fonction très technique. Il a également une vision très affirmée du développement du Gabon à long terme, un regard très actuel et une sensibilité particulière sur une série de sujets tels que la formation professionnelle, la lutte contre les inégalités, la protection de l’environnement.
Enfin, j’apprécie tout particulièrement sa franchise. Chose très rare dans ce milieu, il n’hésite pas à me dire ce qu’il pense et à tirer la sonnette d’alarme quand il estime que la voie empruntée n’est pas la bonne. Pour le reste, je ne commente ni les spéculations ni les fantasmes.
Sa nomination est intervenue après la chute, puis l’arrestation pour détournement de fonds publics, de Brice Laccruche Alihanga, votre directeur de cabinet. La disgrâce de cet homme, naguère tout-puissant, a suscité l’incompréhension. Que s’est-il réellement passé ?
Vous comprendrez que, dans ma position et en vertu de la séparation des pouvoirs, je ne commenterai pas une procédure judiciaire en cours. Tout ce que je peux dire, c’est que j’ai une entière confiance dans la justice de mon pays. Si des fautes ont été commises, elles devront être sanctionnées, et cela c’est à la justice de le déterminer. Les pressions extérieures, d’où qu’elles viennent et sous quelque forme que ce soit, n’y changeront rien. La justice gabonaise est indépendante.
Êtes-vous satisfait de votre Première ministre, Rose Christiane Ossouka Raponda, et de son équipe ?
Je la connais bien, depuis sa première nomination au gouvernement. Elle avait notamment fait un passage remarqué et remarquable au ministère de la Défense nationale. Comme leurs prédécesseurs, elle et son gouvernement seront jugés, le moment venu, sur leur bilan. J’attends de leur part des résultats significatifs. Le quotidien des Gabonais doit être amélioré ; l’avenir du pays, mieux préparé. Ce que je peux dire à ce stade, c’est que la Première ministre a toute ma confiance.
Face à vous, une opposition éclatée. Qui sont vos principaux adversaires ? Jean Ping, Guy Nzouba-Ndama, Alexandre Barro-Chambrier ?
Il ne m’appartient pas de faire un commentaire sur tel ou tel, en particulier en dehors de ma famille politique. Toutefois, rappelons-nous que certains, qui donnent aujourd’hui des leçons à tout propos, ont été longuement aux affaires et ont occupé de très hautes fonctions. La critique est aisée, l’art est difficile, comme on dit. La démocratie gabonaise gagnerait à avoir une opposition structurée et constructive, qui ne se contente pas de critiquer sans jamais faire de contre-propositions. La politique n’est pas qu’un jeu de pouvoir. C’est avoir entre ses mains le destin de centaines de milliers de femmes et d’hommes. Il faut donc être responsable et savoir faire passer les intérêts de son pays avant tout.
Pierre Claver Maganga Moussavou, l’ex-vice-président, n’a toujours pas de successeur. Envisagez-vous de le remplacer ?
La question sera réglée dans les plus brefs délais. J’ai actuellement à l’étude plusieurs profils.
Comment ont évolué les relations avec la France sous la présidence d’Emmanuel Macron ?
La période Hollande, entre 2012 et 2017, avait été particulièrement délicate… Sous François Hollande, les relations entre le Gabon et la France n’ont pas toujours été très fluides. Il y a eu des incompréhensions. Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, elles se sont très nettement améliorées. Nous partageons la même volonté d’avoir des relations bilatérales nourries, apaisées et, je dirais, modernisées ».
FIN/INFOSGABON/SM/2021
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