La question du report des élections locales au Gabon : la cour constitutionnelle acculée
Libreville, 12 mars 2013 (Infos Gabon) – Lors de la présentation de veux de l’année 2013 au chef de l’Etat, la présidente de la cour constitutionnelle avait exhorté la classe politique, les autorités politiques et au premier chef le président de la République à veiller au respect des délais constitutionnels pour la ténue des élections locales. Car, en effet cela eut été plus simple pour tous. Ce même message a été répété à l’occasion de la cérémonie marquant les 20 ans de la Cour constitutionnelle gabonaise.
Mais voilà, les choses ne vont pas du tout être simple pour le respect de la légalité constitutionnelle dont est gardienne la cour constitutionnelle.
En effet, après que le premier ministre ait remis le rapport des travaux de la commission mise en place pour l’introduction de la biométrie dans le système électoral, le Président de la République a déclaré qu’il va saisir la Cour constitutionnelle pour demander le report des élections locales.
Ainsi ce que la Cour constitutionnelle avait sitôt craint est en train malencontreusement de se produire. On peut même affirmer qu’elle avait donc vu le problème venir au loin. Certainement parce qu’elle avait déjà auditionné le ministre de l’intérieur, les partis politiques de la majorité et de l’opposition sur la mise en place de la biométrie. Certainement qu’elle entraperçut ou des lenteurs, ou des divergences entre la majorité et l’opposition.
Aujourd’hui tout se confirme qui laisse apparaitre au grand jour que l’opérateur Gémalto le détenteur de l’expertise sur cette technologie qu’est la biométrie demande huit mois pour boucler l’opération.
Cette information contredit de plein fouet les déclarations du ministre de l’intérieur qui avait annoncé qu’au 31décembre 2012, le Gabon disposerait d’un fichier électoral établi sur la base de données à caractères biométriques. Et à l’entame des travaux de la concertation politique sur la mise en place de la biométrie, le même ministre de l’intérieur avait encore affirmé que le ministère qu’il dirige est prêt à mettre rapidement en place la biométrie à l’issue de la concertation des acteurs politiques. La rapidité qu’avait laissé entende le ministre est donc de 8 huit mois ; ce qui voudrait dire que le ministre envoyait donc déjà le report des élections locales à après avril 2013.
Après, la concertation politique de la cité de la démocratie, l’UFA s’est également prononcé pour le report des élections locales. Quant à l’UFC, elle s’était déjà prononcée pour le report des élections locales bien avant la concertation de la classe politique.
Pour ce qui est du PDG et ses partis alliés, on peut considérer que leur position est celle du chef de l’Etat dont ils servent la politique, à savoir la demande du report des élections locales à la Cour constitutionnelle.
C’est donc entre les mains de Madame Mborantsouo et ses collègues juges constitutionnels que repose le report ou non des prochaines élections locales. Le problème est sérieux et compliqué pour la Cour constitutionnelle dont la décision doit être bien motivée pour ne pas essuyer les critiques qui la discréditeraient fatalement, si elles sont bien fondées en droit.
Tout d’abord, la saisine éventuelle de la Cour constitutionnelle ne s’inscrit pas dans le cadre du contentieux de l’élection.
Ensuite, on peut observer que les mairies et conseils départementaux sont institués par loi sur la décentralisation de 1996. En cela, ce ne sont pas des institutions constitutionnelles dont la cour doit connaitre du bon fonctionnement et de la durée des mandats, ce sont des institutions administratives sous tutelle du ministre de l’intérieur qui avait déjà désigné en son temps les délégués municipaux et départementaux pour relayer les fins de mandat des élus locaux.
En revanche, les sénateurs étant élus par les grands électeurs que sont les élus locaux, on voit bien que le report des élections locales risque de rallonger le mandat des sénateurs en exercice au delà de sa durée constitutionnelle. Or, la légalité constitutionnelle prime sur toute autre légalité dans l’Etat.
D’où que la juridiction constitutionnelle gardienne du respect de la constitution ne peut qu’être soucieuse, voire, imposer la tenue des élections locales dans un intervalle de temps qui respecte la durée constitutionnelle des mandats des sénateurs, en l’espèce les 8 mois demandés par Gemalto ne vont-ils pas fatalement conduire au rallongement de la durée du mandat des sénateurs en exercice au delà de la durée constitutionnelle ?
Si la réponse est non, alors la légalité constitutionnelle est respectée et le report serait facile à décider pour la Cour Constitutionnelle.
Mais si la réponse est oui, alors la constitution serait violée et de plus, il apparaitrait que d’un autre coté, on ne peut plus non plus organiser cette élection sans la biométrie dans un meilleur délai. Alors, la tenue de l’élection locale avec la biométrie serait incontournable, donc irrésistible. Ce qui est une des caractéristiques de la force majeure.
Cependant, la théorie de la force majeure définie comme un événement étranger, imprévisible et irrésistible se s’appliquerait pas à proprement parler à la mise en œuvre ou du commencement de mise en œuvre de la biométrie parce que simplement, elle aura été prévu depuis plus d’un an par la classe politique et les pouvoirs publics. Dans ce cas, sur quel fondement juridique plausible la cour constitutionnelle justifierait-elle son éventuelle décision de report des élections locales à venir ? Voilà la colle qui lui serait posée.
FIN/INFOSGABON/PK/MM/2013
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