La hausse des taux directeurs de la FED et les potentiels risques de dérapage pour les pays émergents

Libreville, Lundi 28 Décembre 2015 (Infos Gabon) – Tribune libre de Régis IMMONGAULT – Sept ans après le passage à la « zero lower bound » et 10 ans après la dernière hausse des taux, le Comité Monétaire et Financier de la Reserve Fédérale des Etats-Unis a annoncé mercredi dans l’après-midi qu’il relevait son taux directeur de 25 points de base, le passant de 0,25 % à 0.5%. Cette annonce est sans surprise tant elle était attendue par les analystes financiers et longuement préparée par Janet Yellen depuis son accès à la présidence de la FED en Octobre 2013.
Il s’agit de la première étape de la stratégie de sortie de la politique monétaire expansionniste des Etats-Unis. Il est clair qu’au fur et à mesure que l’économie américaine retrouve sa robustesse et le plein emploi, d’autres remontées des taux devront suivre afin de maintenir la cible d’inflation de 2%. Les analystes prévoient ainsi une série de quatre remontées de 25 points de base chacune dans le courant 2016.
Cependant, celles-ci risquent d’être plus difficiles à mettre en œuvre dans la mesure où les dirigeants politiques devront prendre en compte la divergence croissante entre la politique de plus en plus restrictive de la FED et celles, plus accommodantes, des autres principales banques centrales (Banque Centrale Européenne, Banque du Japon et la Banque Populaire de Chine). Cette transition pourrait avoir un impact négatif significatif sur les marchés émergents – et à fortiori des pays comme le Gabon –au travers de deux canaux : (1) la dépréciation du renminbi par rapport au dollar et son impact sur les importations chinoises et, partant des prix des matières premières et (2) les difficultés croissantes de refinancement des dettes extérieures accumulées par les pays émergents, notamment les dettes privées libellées en dollar.
(1) En Chine, les économistes indépendants et les officiels s’accordent à reconnaître qu’une hausse des taux renforcerait le dollar contre le Renminbi et aboutirait à une importante fuite des capitaux hors de Chine alors que la Banque Populaire de Chine amorce une flexibilisation de sa politique de change. Or, comme nous l’avons constaté depuis le mois d’août, une dépréciation du renmbini tend à faire baisser les importations chinoises. La baisse de la demande chinoise a des conséquences néfastes sur les pays émergents et notamment sur les pays exportateurs de matières premières partenaires de la Chine. (2) La dette extérieure des pays émergents a pour sa part considérablement augmenté depuis le début de la crise de 2008 sous l’impulsion d’un univers de taux bas. Elle est aujourd’hui à un niveau record : la dette extérieure privée agrégée des pays émergents atteindra 105 % du PIB fin 2015. Alors que l’appréciation du dollar va se poursuivre avec la remontée des taux, un nombre significatif d’entreprises de pays émergents qui ont emprunté de façon imprudente en dollar sans pouvoir générer suffisamment de ressources en devises étrangères vont se retrouver en difficulté pour refinancer leurs dettes à des conditions acceptables, conduisant à des situations de défaut et à une instabilité financière accrue.
Cette remontée des taux accompagnée d’un contexte d’incertitudes économiques rend donc difficiles des opérations de levées de fonds sur les marchés de capitaux. Pour résumer : la hausse des taux pourrait accélérer la spirale négative combinant une plus faible croissance chinoise, une baisse des prix des matières premières et une hausse des défauts d’entreprises privées suite à l’appréciation du dollar. Cependant, la remontée des taux pourrait être interprétée comme un retour à la normale ; limitant le risque des bulles spéculatives, et renforçant la confiance des investisseurs dans la reprise économique globale.
Tous ces aspects doivent être suivis par les pays africains présents sur les marchés de capitaux et pris en compte, en effet, la fenêtre des financements sur le marché de capitaux devient désormais étroite du fait du coût de la liquidité.
Par Régis IMMONGAULT, Ministre du Développement Durable, de l’Economie, de la Promotion des Investissements et de la Prospective
FIN/INFOSGABON/RI/2015
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