« Le numérique est devenu une compétence transversale que tout le monde doit avoir », Sylvere Boussougou
Libreville, Mercredi 16 octobre 2019 (Infos Gabon) – Créer une école qui dispense une formation en huit mois, dans le cadre du numérique offrant également des débouchées aux apprenants, cela est loin d’être une simple vue de l’esprit, selon le directeur de l’école 241 M. Sylvere Boussougou qui nous accordé une interview. Il y dévoile sa politique de formation qui cadre avec les besoins à venir.
Infos Gabon : D’où vous est venue l’idée de créer l’école 241?
Sylvere Boussougou : J’avais constaté qu’il y avait des écoles qui ouvraient partout à travers le monde. C’est un genre d’école qui forme tout le monde, que vous ayez un background en finance, en ressource humaine, ou un master en économie et autres. J’ai également découvert une célèbre école à Paris qu’on appelle l’Ecole 42, qui s’est inscrite aussi dans la même logique en prenant des boulangers, des pâtissiers, qui au terme de leurs formations deviennent d’excellents codeurs. J’ai appris par la suite, que tout le monde peut le faire vu que je suis parvenu à le faire à l’âge de 15 ans. Je me suis dit qu’il fallait donc que j’ouvre cette école.
Mais l’idée aussi d’ouvrir cette école au Gabon, ne pouvait pas s’inscrire dans notre environnement, si elle ne répond pas à un besoin. Il était aussi donc important pour moi de faire un peu d’éveil, afin de cerner les besoins dans notre environnement. Il n’était pas question pour moi d’ouvrir une école qui formerait juste pour former. L’éducation par laquelle nous passons arrive déjà à le faire, en mettant chaque année sur le marché des chômeurs.
Selon une étude menée par la société financière internationale qui est un organisme du FMI, il ressort que l’Afrique subsaharienne forme trois millions (3.000.000) de personnes tous les ans. Elle met sur le marché dix millions (10.000.000) de personnes diplômées, et on se retrouve avec sept millions (7.000.000) de personnes sans emplois au chômage. Et selon la BAD, d’ici 2030, par effet cumulé de ces chômeurs, on aura atteint cent millions (100.000.000) de personnes au chômage.
Aujourd’hui, je me suis dit qu’il était temps entend qu’humain de penser au future. Et selon la société financière internationale, le besoin en compétence numérique d’ici 2030 sera en Afrique de l’ordre de deux-cent trente millions (230.000.000) . Lorsqu’on retrace ce besoin au Gabon il n’y a quasiment pas. Ça veut simplement dire qu’à côté de votre master en droit, comptabilité ou marketing associez une compétence numérique. Et notre école forme uniquement dans le numérique.
Infos Gabon : Que propose votre école, si vous pouvez nous faire une petite présentation ?
Sylvere Boussougou : L’école 241 forme sur un programme accéléré et intensif sur les métiers du numérique. Cette école est gratuite, parce qu’elle bénéficie des subventions des partenaires. Pour le moment, nous ne formons que quarante-quatre (44) apprenants.
En termes de partenaires, nous avons cinq (5) que sont : Ogooué Labs, avec une contribution de soixante millions (60.000.000) de francs CFA. Le second partenaire c’est l’ambassade de France via le programme BISCA avec une contribution de quarante millions (40.000.000) de francs CFA. Le troisième partenaire, c’est l’Organisation internationale de la francophonie avec une contribution de trente millions (30.000.000) de francs CFA, et deux partenaires techniques notamment Saint-Plons. La formation qui est dispensée ici donne lieu à une certification Saint-Plon, qui est une entreprise sociale et solidaire française qui est aujourd’hui leader dans la formation accélérée en numérique.
Ce programme forme sur deux métiers du numérique que sont : celui de développeur web mobile et celui de référent digitale. La formation dure huit mois, et nous utilisons une pédagogie dite “inversée “. Pour la simple raison que nous n’avons pas d’enseignants mais plutôt un coach. Son rôle n’est pas de dispenser la connaissance mais d’encadrer. Il donne une thématique, il revient aux apprenants d’effectuer des recherches pour l’enseigner aux autres.
Cette méthodologie permet à ces derniers de préparer le cours pour les autres, ils se doivent donc de l’assimiler. L’autre avantage de cette pratique, c’est de permettre aussi aux apprenants de faire leur apprentissage et au bout de huit mois, ils acquièrent les mécanismes que d’autres reçoivent en trois ans dans le système d’enseignement traditionnel. Tout ceci fait que la certification Saint-Plon qu’ils acquièrent au bout de la formation a une équivalence de bac +2, et ils ont entre trois et six mois de stages.
Nous avons opté pour le choix de ces deux métiers, simplement parce que nous avons besoin de construire de solutions pour les différentes interfaces sur le web et le mobile. Ces apprenants sont formés pour être des référents digitaux. C’est un métier qui regroupe plusieurs casquettes comme, chef de projet, marketing digitales, chef de gestion des interfaces et des produits digitales.
Infos Gabon : Quels sont les profiles des apprenants qui sollicitent votre école et les débouchées qu’offrent votre école à ces apprenants ?
Sylvere Boussougou : On s’attendait à trois profils au départ, puis nous avons ajouté un quatrième. Le premier concerne les apprenants qui veulent se convertir dans un autre corps de métier. Il concerne les personnes titulaires d’une licence, ou d’un master dans un domaine bien spécifique. La plupart sont des chômeurs. Le second profil concerne les personnes qui viennent pour un travail de perfectionnement. Beaucoup d’entre eux sont titulaires d’un diplôme en informatique, avec une forte dose de théorie, donc aucune connaissance pratique. Ils ont juste une formation et n’ont pas un métier. Le troisième profil concerne les jeunes sans diplôme qui ont un niveau d’étude assez acceptable.
Puis, il y a un dernier profil auquel on ne s’y attendait pas du tout, qui concerne les nouveaux bacheliers. J’ai été surpris en échangeant avec les parents, ils m’ont fait savoir que l’école traditionnelle forme avec beaucoup de théorie et zéro compétence. Ils veulent que leurs enfants aient d’abord de la compétence, et par la suite ils vont chercher le diplôme.
En termes de débouchées, nous en avons deux pour le moment. La première concerne l’insertion en entreprise, et l’autre porte sur l’entrepreneuriat. Lorsque ces jeunes arrivent, nous leur demandons ce qu’ils veulent faire au terme de leur formation. Beaucoup disent je veux travailler, deux ou trois veulent se mettre à leur compte. Trois mois après, quand nous leur reposons la question, la majorité veut se mettre à son compte, et à peine trois d’entre eux qui veulent un emploi. On leur demande qu’est-ce qui a bien pu changer la donne en trois mois. Ils nous disent en si peu de temps de formation, nous arrivons déjà à récolter les fruits de notre formation, donc pourquoi aller en entreprise.
Infos Gabon : Quelles sont les difficultés rencontrées, et vos ambitions ?
La première difficulté réside dans le fait que nous soyons la seule structure au niveau du pays dans le domaine. Je n’ai aucun reproche à faire à l’État, pour la simple raison qu’il donne une direction, il revient à nous de trouver ce qu’il y a lieu de faire. Je n’ai pas la culture d’un attentiste. J’ai plutôt celle de celui qui va sur le terrain et qui trouve quoi faire, c’est l’action. Il y a trois ans nous avons décidé de créer une école, c’est également dans l’action que nous avons trouvé les bailleurs de fonds pour mettre en place cette école.
L’autre difficulté que je déplore, c’est quand il n’y aucune dynamique qui puisse prendre forme dans notre pays. Il faut qu’à un moment donné les gens regardent de plus près ce qui se passe, en se disant comment je peux aider. Il y a tout de même quelques personnes anonymes qui ont décidé d’aider les apprenants.
Toujours dans cette même logique, l’autre obstacle et non des moindres ce sont les parents. Ils estiment que leur enfant titulaire d’un master en finance n’a rien à faire dans notre école. Ils sont allés jusqu’à couper les vivres à certains d’entre eux. Il fallait discuter avec eux, leur montrer le bon côté des choses. Aujourd’hui, ceci m’a permis de voir que ces derniers sont complètement déconnectés de notre environnement, de l’évolution numérique. Je trouve cela dramatique, comment on ne peut pas comprendre que le numérique est devenu une compétence transversale que tout le monde doit avoir.
En termes d’ambitions, nous voulons étendre notre structure vers l’arrière-pays. Il y a des personnes qui ont besoins de reconversion, d’insertion professionnelle et bien d’autres mais comment faire? Je crois que la suite c’est de continuer dans ce sens.
Infos Gabon : Votre mot de fin
Sylvere Boussougou : Je voudrais dénoncer ce mensonge qui tourne dans la conscience de nombreux jeunes avec qui, j’ai échangé au terme de l’année académique écoulée. On leur a fait croire qu’ils ne pouvaient pas se réinventer, je dis c’est faux. Vous pouvez faire de nouvelles études, changer de profil de formation. Il faut vraiment qu’il y ait une adéquation formation emplois, recherchée par les entreprises. Si vous allez au bout de votre formation, en sachant qu’il n’y a pas de débouchées, c’est que vous pensez qu’il y aura une baguette magique qui va créer une dizaine d’entreprises et va embaucher mille personnes.
Je suis un informaticien, un coach certifié en enseignement de leadership, je suis directeur d’école. Je me suis plusieurs fois réinventé. C’est dire que cela est aussi possible pour vous.
FIN/INFOSGABON/LK/2019
Copyright Infos Gabon