Economie

Tribune : Mays Mouissi analyse les évolutions possibles du FCFA

Libreville, Samedi 21 Décembre 2019 (Infos Gabon) – Ceci est une contribution de Mays Mouissi sur la monnaie unique en Afrique et les évolutions possibles du F CFA parvenue à notre rédaction.

A l’aube des indépendances, deux visions de l’Afrique se sont affrontées. La première, défendue par les Chefs d’Etat des nouveaux pays souverains du continent réunis au sein du Groupe de Monrovia, privilégiait une Afrique où les pays demeureraient souverains tout en coopérant entre eux, tandis que la seconde, défendue par un autre groupe de Chefs d’Etats, le Groupe de Casablanca, plaidait pour une Afrique fédérale continentale dotée notamment d’une armée fédérale et d’une monnaie fédérale.

Si la vision du Groupe de Monrovia semble l’avoir emporté, les idées défendues par le Groupe de Casablanca reviennent régulièrement dans le débat public, défendues parfois de façon très technique par des intellectuels, reprises souvent un peu maladroitement par des populistes et de plus en plus soutenues par les jeunes générations sur fond d’anticolonialisme. Le débat sur la monnaie unique en Afrique et l’avenir du franc CFA en est la plus parfaite illustration.

La monnaie unique en Afrique

Une monnaie unique en Afrique est-elle possible ? En théorie tout est toujours possible. Cependant, dans la situation de nos économies, une monnaie unique en Afrique est-elle souhaitable et réalisable ? Je ne le pense pas. En l’état actuel de l’intégration économique africaine et des défis propres à chaque pays, quelle serait la cohérence d’une union monétaire regroupant l’Afrique du Sud, le Gabon, la Gambie, l’Algérie et l’Ethiopie ?

A ce stade de notre développement, les projets de monnaies uniques ne peuvent s’envisager qu’au niveau régional, favorisés par la proximité géographique et économique. Une monnaie unique continentale serait prématurée et difficilement envisageable tant sur le plan pratique, politique qu’économique. En outre, mis ensemble, les pays africains ne remplissent pas les critères d’une zone monétaire optimale.

En effet, l’opportunité ou non d’adhérer à une union monétaire devrait s’apprécier à la lumière de 3 critères : l’efficacité des mécanismes d’ajustement par les prix et/ou par les quantités, l’importance des chocs symétriques et les caractéristiques structurelles des économies qui divergent fortement d’un pays à l’autre.

Evolutions possibles du franc CFA

Alors que des voix plaident pour une monnaie unique africaine, il convient de rappeler que la zone Franc constitue, à ce jour, la seule expérience de monnaie unique régionale en Afrique. Seuls les pays de la CEMAC et de l’UEMOA ont expérimenté les contraintes et les avantages de l’appartenance à une union monétaire commune.

Le franc CFA va être reformé, mais avant d’envisager une réforme en profondeur du système monétaire, il est important d’identifier ses avantages pour éventuellement les conserver et ses limites pour éventuellement les dépasser. Les discussions sur l’avenir du franc CFA ne devraient pas échapper à cette règle.

Le franc CFA doit évoluer pour répondre à la volonté que semblent exprimer les citoyens de la zone franc, pour être plus en phase avec les évolutions économiques souhaitées dans ces pays et enfin pour s’adapter aux grandes mutations intervenues dans le monde. Cependant, cette évolution ne doit pas prendre la forme de l’instauration de 14 monnaies nationales. En effet, dans des pays où la gouvernance est parfois faible, la solidarité monétaire régionale peut s’avérer protectrice et favoriser la stabilité.

De mon point de vue, le franc CFA doit évoluer afin de :

  • devenir une monnaie totalement africaine, ce qui impliquerait une réforme de la relation monétaire entre la France et les pays de la zone franc d’une part et la fin du régime de change fixe entre le franc CFA et l’euro d’autre part ;
  • centraliser progressivement l’intégralité des réserves en devises dans les banques centrales des deux unions monétaires lesquelles doivent demeurer indépendantes ;
  • s’élargir à la RDC, au Rwanda, au Burundi et à Sao Tome dans une zone CEMAC réformée pour regrouper dans un même espace monétaire ces pays qui ont une communauté de destin ;
  • favoriser un meilleur accès au crédit et l’accroissement des échanges intra-régionaux ;
  • devenir un instrument de lutte contre le chômage sur le modèle de la Réserve fédérale américaine (FED) ;
  • favoriser une plus grande convergence économique et budgétaire entre les états ;
  • devenir à plus long terme la monnaie unique des Etats d’Afrique centrale et de l’ouest dans une vision d’intégration monétaire commune.

Mays Mouissi

FIN/INFOSGABON/IN/2019

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