Société

Gabon : ‘’La dépénalisation de l’adultère est un lit fait au meurtre’’, Sidonie Flore Ouwé

Libreville, Vendredi 13 Mars 2020 (Infos Gabon) – Depuis l’annonce de la promulgation de la loi sur la dépénalisation de l’adultère au Gabon, plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer son caractère conflictuel. Les observateurs s’interrogent sur les véritables mobiles qui ont poussé les parlementaires à légiférer. C’est le cas notamment de la présidente l’association ‘’Le Salon de la femme’’, Mme Sidonie Flore Ouwé. Dans cet entretien, elle relève les risques que pourrait entraîner cette nouvelle disposition de la Loi.

Infos Gabon : A la lecture de votre exposé, nous pouvons déduire que nous sommes face à une dépénalisation de l’infidélité au Gabon ?

Sidonie Flore Ouwé : Oui, nous sommes effectivement en face d’une dépénalisation au Gabon, simplement parce que cela n’existe nulle part dans le code pénal, et le juge ne peut se saisir d’une question qui n’est pas inséré dans le code pénal et qui n’est ni prévu, ni puni par la loi. Donc, c’est une dépénalisation, il n’y a pas de doute.

Infos Gabon : C’est acté, nous vivons désormais dans une société où l’adultère est dépénalisé. Quels peuvent être les risques ?

Sidonie Flore Ouwé : Déjà des risques sur le plan textuel, c’est-à-dire en prenant la mesure de la dépénalisation de l’adultère il y a des risques transversaux avec des autres textes de loi, notamment la loi mère, la constitution qui fait du mariage la première institution de la société et où le mariage est strictement encadré et protégé. Il y a aussi le code civil, dans ses articles consacrés au mariage, qui nous permet aujourd’hui de nous interroger sur la pertinence du devoir de fidélité et également les questions de filiation qui vont se poser. Alors si vrai on va l’appeler enfant adultérin ou enfant légitime ? Est-ce que c’est de façade ? Et c’est autant de questions que nous nous nous posons qui ressemblent à un nuage dans nos esprits. E progressivement nous pensons qu’en discutant avec les autorités, nous pourrons nous faire comprendre et essayer plus ou moins de régler et sauver. La dépénalisation, comme je le disais, milite de sa pertinence et des effets escomptés, raison pour laquelle nous nous inquiétons sur le type de société voudront-ont avoir en favorisant cette loi. Allons-nous vers un état d’une extrême liberté qui entre de plein fouet dans le mariage ? C’est autant de questionnements.

Infos Gabon : Le législateur gabonais, a-t-il la possibilité de revenir en arrière concernant cette loi ?

Sidonie Flore Ouwé : Bien entendu qu’il peut revisiter cette loi, le contenu du texte, en tenant compte des intérêts des populations. On ne légifère pas pour le plaisir des quatre (4) murs de l’Assemblée nationale, on légifère plutôt pour harmoniser ou rendre les rapports harmonieux entre les citoyens vivant dans une société. Et on ne peut également légiférer contre les intérêts d’une harmonisation des comportements, là encore nous nous interrogeons si la position des parlementaires s’est faite à l’issue d’une demande formulée par les populations que nous sommes ? Y a-t-il eu une évaluation sociologique qui aurait dévoilé que la dépénalisation de l’adultère causait trop de problème et que la valeur sacralisée qui était protégée n’existe plus. Si enquête il y a eu, auprès de qui a-t-elle été faite ? Y a-t-il eu un retour des députés auprès de leur base ? Nous pouvons penser que c’est le gouvernement au travers d’un projet de loi aurait souhaité cela, mais à ma connaissance je ne me souviens pas avoir ce projet de loi venant des autorités.

Infos Gabon : Quelle position adopter face à l’adultère ?

Sidonie Flore Ouwé : La dépénalisation signifie que conformément au code pénal actuel la femme mariée peut aller avoir des rapports avec qui elle veut et vis-versa. Pour parler simplement, il n’y a plus la peur du gendarme, la peur de faire la prison, la seule issue est de solliciter le divorce, divorce qui reste à l’appréciation du juge. D’où la question de savoir si ce paragraphe n’est pas une ouverture au meurtre. Pour avoir tenu le parquet de première instance du tribunal de Libreville rare ont été les femmes qui saisissaient le juge pour les problèmes d’adultère, c’était plus l’inverse des hommes qui dénonçaient les cas vis à vis de leurs épouses et lorsque l’affaire n’arrive, ne trouve pas de suite c’est parfois le pire, d’où les crimes que nous enregistrons.

FIN/INFOSGABON/EM/2020

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