Politique

Gabon : Ali Bongo Ondimba appelle à une véritable rupture

Libreville, Vendredi 17 Août 2018 (Infos Gabon) – Le chef de l’Etat qui rêve d’une société nouvelle, demande de rompre avec certaines pratiques peu orthodoxes et invite à une prise de conscience collective pour changer positivement le pays.

Dans son traditionnel message à la nation à la veille de la célébration de la fête de l’indépendance le 17 août, le président gabonais s’est une fois de plus adressé à ses compatriotes jeudi. Dans son discours, Ali Bongo Ondimba convie ses concitoyens à un patriotisme qui passe par une réelle appropriation des acquis de l’indépendance. «L’indépendance, gage de souveraineté, grâce à laquelle nous pouvons choisir notre propre voie, notre propre destin. Pour un pays, pour une nation, c’est le droit le plus fondamental, le plus absolu. C’est aussi une responsabilité. La plus grande des responsabilités. Une responsabilité à la fois individuelle : chaque Gabonaise, chaque Gabonais a des devoirs. Et une responsabilité collective : tous les Gabonais doivent aimer leur patrie et cultiver leur attachement à la terre, aux symboles, aux traditions, aux grands hommes comme à tous les autres car notre communauté est une et indivisible. Il n’y aurait pas, comme voudraient le penser certains, un bon Gabon et un mauvais Gabon. Il n’y a qu’un seul Gabon. Aimons-le! Chérissons-le! Préservons-le!», souligne-t-il d’entrée de jeu.

Il a ainsi tenu à faire la part des choses entre le pays, la patrie et la République. «Le pays est le berceau de notre patrie, et la patrie est socle de notre République, construction collective qui part du passé et va vers l’avenir. Un avenir que nous souhaitons tous meilleurs, pour nos enfants, nos parents, nos voisins, nos concitoyens. Le mot Patrie, évoquait pour les anciens, “la terre des pères” , la terre des ancêtres. La patrie était pour chaque homme, la part de sol que sa religion domestique ou nationale avait sanctifiée. L’amour du Gabon, l’amour de la patrie est le meilleur garant de la défense de notre République», a-t-il précisé.

Rupture avec le nationalisme et amour de l’hospitalité

Sans ambages, ni langue de bois, le président de la République a tenu à stigmatiser ces autres compatriotes qui se laissent tenter par les «idées populistes, irresponsables et dangereuses, qui au nom d’un prétendu nationalisme, prônent le repli sur soi et le rejet de l’autre, du seul fait de ses origines». «Les idées prétendument nationalistes partout où elles ont prospéré n’ont conduit qu’à la ruine et à la désolation des peuples. C’est en effet au nom des nationalismes que le monde bascula dans les deux grandes guerres, avec le cortège d’horreur que l’on sait. Ce sont également les idées nationalistes qui ont conduit, à l’intérieur d’un même pays aux génocides et aux épurements ethniques», prévient-il.

Il condamne pour cela avec fermeté le nationalisme qui, selon lui, est le rejet de l’autre au nom de la nation, et recommande plutôt à ses compatriotes le patriotisme qui se définit comme étant l’acceptation et l’implication de l’autre, quelles que soient ses origines, dans l’œuvre de construction de cette même nation. Faisant siennes deux sagesses chères aux feux présidents Léon Mba et Omar Bongo Ondimba, Ali Bongo Ondimba recommande aux Gabonais d’accorder leur hospitalité légendaire à tous ceux des étrangers pouvant contribuer au développement de leur pays.

Une société et une économie de production

Pour sortir victorieux de la crise qui secoue le pays depuis quelques années, Ali Bongo Ondimba prescrit comme solution efficace et durable  de passer d’un modèle de rente et d’extraction à un modèle de production. Il fonde ainsi tous les espoirs sur les nombreuses opportunités d’entreprendre, d’améliorer et de créer des solutions innovantes que regorge le Gabon. «Je songe en particulier au fait que le Gabon s’est imposé comme le premier exportateur africain de feuilles de placage, de contreplaqués et de bois sciés. Notre filière industrie du bois crée en moyenne 1000 emplois par an, dont de nombreux emplois qualifiés dans les nouvelles usines qui ouvrent leur porte, notamment dans la Zone Industrielle de Nkok. Cette zone industrielle a d’ailleurs été primée comme l’un des meilleurs exemples africains d’industrialisation réalisé ces dernières années en Afrique», se réjouit-il.

A cela, s’ajoute la courbe de l’emploi qui repart à la hausse. Ainsi, au premier semestre 2018, 5177 emplois ont été créés suivant les déclarations adressées par les entreprises à la CNSS. «Cela nous laisse penser que notre objectif de créer 10 000 emplois par an sur une période de trois ans est à portée de main, si nous poursuivons nos efforts. Ainsi, si cette dynamique se confirme, notre secteur privé emploiera de nouveau plus de personnes que notre secteur public, ce qui sera un nouveau signal de la transformation structurelle de notre économie», ajoute-t-il.

Le chef de l’Etat se félicite également de ce que le pays est en train d’inverser la dynamique de l’exode rural, en redonnant des perspectives attrayantes dans les villes secondaires à l’intérieur du pays. «L’opérationnalisation du Fonds d’initiatives départementales viendra consolider cette dynamique, avec le financement des initiatives économiques lancées sur le terrain par les acteurs économiques et institutionnels qui pourront s’appuyer sur cet outil pour accélérer le développement de leur territoire», précise-t-il.

Egalité des chances au centre des priorités

A ce sujet, il réitère sa volonté de voir tous ses concitoyens égaux en droit. Afin de faire échec au phénomène des passe-droits et avantages indus entre vieux et jeunes, hommes et femmes, personnes privilégiées ayant accès à des responsabilités contre personnes sans relations qui à la longue s’est érigé en droit. «Nous savons tous que ces comportements sont condamnables et handicaperont notre développement. J’ai décidé de placer l’égalité des chances au cœur du projet présenté en 2016. J’ai commencé à traduire ces engagements en acte, avec la nomination de jeunes cadres méritants à des positions de responsabilité, en soutenant l’accès aux responsabilités des femmes, en universalisant l’accès aux soins de santé et en promouvant, en toute circonstance, la méritocratie. J’entends poursuivre et accentuer ce mouvement», tranche-t-il.

Car, d’après lui, «l’égalité des chances, c’est aussi s’assurer que nos ressources limitées servent à ceux de nos compatriotes qui en ont le plus besoin : les personnes âgées, les veuves, les orphelins, les personnes malades qui doivent se faire soigner et acheter des médicaments, les enfants qui comptent sur l’éducation de l’école publique pour améliorer leurs conditions de vie et celles de leurs parents, les personnes isolées qui ont besoin que l’ambulance ou les assistantes sociales viennent à eux, aux femmes sans moyens qui ont le droit d’accoucher dans la dignité».

Mesures d’austérité : un remède efficace au service de la solidarité nationale et contre le gaspillage

Contrairement à ce que certaines mauvaises langues ont insinué comme étant une volonté du gouvernement visant à asphyxier les plus démunis, le chef de l’Etat, faisant allusion aux dernières mesures gouvernementales, a expliqué que celles-ci visent au contraire une meilleure efficacité budgétaire.

«Nous devons soit renoncer à notre devoir de solidarité, soit accepter de porter les réformes douloureuses, mais nécessaires pour lutter contre les gaspillages et les dépenses moins opportunes que d’autres. J’ai fait le choix de renforcer notre politique sociale et de lutter contre les gaspillages, et j’assume cette position. J’ai fait le choix d’imposer la gratuité des frais d’accouchement, de rééquiper les écoles publiques et d’éclairer des quartiers laissés à eux-mêmes. Pour financer ces mesures, j’ai demandé à ce que l’on paie seulement les salaires des fonctionnaires qui travaillent réellement et sont présents à leur poste, et de supprimer les doubles salaires et les avantages indus. J’assume totalement cette position», martèle-t-il.

Visiblement remonté contre cette mauvaise lecture de la situation venant d’une certaine opinion généralement de mauvaise foi, Ali Bongo Ondimba s’est voulu imperturbable sur ses choix.

«Certains de mes détracteurs m’ont accusé de folie d’engager ces réformes à quelques mois d’un scrutin électoral. Ils ne sont pas le chef de l’Etat et ils n’assument pas mes responsabilités. Je dois répondre du bien-être de tous mes concitoyens et je suis prêt pour cela à endosser la responsabilité de réformes parfois impopulaires mais que j’estime nécessaires à notre bien collectif. Je serai jugé par vous et par l’histoire. J’entends, avec les Gabonais de bonne volonté qui partagent ma vision de notre avenir collectif, préserver les acquis de notre héritage national, engager les ruptures indispensables qui garantiront le maintien et le développement de notre rang dans l’espace mondial, et écrire de nouvelles pages glorieuses de notre histoire nationale», précise-t-il.

Réaffirmant sa volonté de rompre définitivement avec certaines mauvaises habitudes du passé, le président de la République annonce d’autres combats à mener pour des lendemains meilleurs. «La bataille contre le gaspillage qui doit cesser, la lutte contre la corruption que je compte éradiquer, le combat contre la mauvaise gouvernance que j’entends stopper. C’est également une révolution des mentalités : la fin de la culture du tout m’est dû, le recul d’un certain penchant pour l’oisiveté, la disparition de la culture du tout-fonction publique ou encore celle du tout attendre de l’Etat.  Lutter contre ces fléaux est fondamental. Car, mis bout à bout, ils tirent notre pays vers le bas. Ils nous entraînent vers l’abîme», lance-t-il.

«C’est cette prise de conscience qui est à l’origine de la mise en œuvre des mesures initiées depuis le début de l’année. A commencer par le retour à une gestion plus rigoureuse. Une réforme indispensable mais qui se heurte à certains corporatismes, à certains archaïsmes», déplore le chef de l’Etat.

Ali Bongo Ondimba regrette surtout le fait que malgré le bien fondé de ces mesures, certains Gabonais trouvent toujours à redire. «Eh bien, pour certains, une infime minorité, ces décisions qui sont bonnes pour les Gabonaises et les Gabonais, nous ne devrions pas les appliquer. Au moment où légitimement les Gabonais se plaignent du manque d’efficacité de leurs services publics, on refuserait les efforts qui permettraient d’améliorer la performance de ces services publics. Ces blocages, signes d’un conservatisme, fussent-ils le fait d’une minorité, sont d’autant plus injustifiables qu’ils visent, d’une part, à défendre les intérêts de quelques-uns au détriment du plus grand nombre», dénonce-t-il.

«Ils sont le fait de ceux qui, ayant manifestement la mémoire courte, ont bénéficié d’une augmentation de près de 30 % de leur rémunération pour certains», poursuit-il. Tout en faisant observer que les mouvements d’humeur qui secouent divers corps de métier ne sont surtout pas dans l’intérêt du Gabon d’abord, mais pour satisfaire des intérêts particuliers.

«Ceux qui se posent aujourd’hui en victimes ou, mieux, en défenseurs du service public en sont en réalité les bourreaux. Ceux-là voudraient que rien ne change car, pensent-ils, il n’en va pas de leurs intérêts. Mais l’intérêt général, l’intérêt des Gabonaises et des Gabonais, s’en soucient-ils? Ici aussi, chacun connaît la réponse. Les Gabonais doivent se lever contre cela, contre ces réflexes corporatistes qui les privent d’une vie quotidienne normale et d’un meilleur avenir», tranche le chef de l’Etat.

D’où, le plan d’optimisation des finances publiques qui s’est avéré, à son avis, nécessaire et indispensable. Comme pour prêcher par l’exemple, il dit avoir pris la décision difficile de se séparer de près de 40% de personnels nommés. «La réduction du train de vie de l’Etat touche donc d’abord le sommet de l’Etat. C’est ça l’exemplarité. C’est ça la justice, c’est ça l’équité. Ceux qui ont le plus contribuent le plus. A contrario, aucun, je dis bien, aucun agent de l’Etat percevant moins de 650.000 FCFA ne sera mis à contribution», précise-t-il.

Mais, Ali Bongo Ondimba tient à recadrer tous ceux-là qui viendraient à empêcher la mise en œuvre effective de ces mesures salutaires. «A ceux-là, je voudrais dire que la démocratie, ce n’est pas la rue, la démocratie, c’est le dialogue, y compris le dialogue social. Que ceux qui contestent fassent aussi de meilleures propositions pour améliorer et réformer, qu’ils soient réellement les agents de changement qu’ils prétendent être et ils nous trouveront à leurs côtés pour faire avancer le pays», suggère-t-il.

L’intérêt général au détriment des égoïsmes

Sur ce chapitre, le chef de l’Etat est revenu sur les raisons ayant conduit à la résiliation du contrat de la multinationale française Veolia à la Société d’eau et d’énergie du Gabon (SEEG) en février dernier. «Pour des raisons d’intérêt général car la qualité du service ne cessait de se détériorer. Depuis, ce sont des équipes gabonaises qui gèrent l’entreprise et la redresse peu à peu. La situation, si elle n’est pas totalement satisfaisante, s’améliore néanmoins. Comme quoi, nous avons des compétences et des savoir-faire qu’il nous faut valoriser. Maintenant, nous allons trouver les meilleurs partenaires et investisseurs possibles pour nous permettre d’atteindre la qualité de services que les gabonais sont en droit d’attendre, nous allons redoubler d’efforts», rassure-t-il.

Il s’est aussi félicité de la mise en œuvre progressive de certaines mesures annoncées en vue d’améliorer les conditions de vie de ses compatriotes. Il s’agit notamment de la gratuité des accouchements qui a bénéficié à 14000 personnes, de l’installation des lampadaires solaires pour lutter contre l’insécurité, de la rénovation de nombreuses écoles, du démarrage effectif du Fonds d’initiatives départementales, des cliniques mobiles dont les premières arriveront d’ici quelques jours. «Pour d’autres en revanche, des lenteurs ont été observées dans l’exécution. Mais, je puis vous assurer que le cap est maintenu et que celles-ci seront à leur tour pleinement mises en œuvre au cours de cette année», souligne-t-il.

Un système éducatif à réformer

Pour cela, Ali Bongo Ondimba convie ses compatriotes à une réflexion sur l’efficacité actuelle du système des bourses. «Des sommes considérables y ont été investies avec des résultats plus que médiocres au fil des années. Rendez-vous compte, c’est plus de 600 milliards de FCFA qui ont été dépensé entre 2012 et 2018 pour 800 000 bourses distribuées et pour quels résultats. Non seulement le Gabon est l’un des pays en Afrique qui dépense le plus pour ses étudiants boursiers sans que les résultats ne soient au rendez-vous, mais en plus l’orientation pose problème : 70 % des bourses sont octroyées dans des filières littéraires ou dans les humanités alors que nous avons davantage besoin de former les jeunes gabonais dans les filières techniques, professionnelles ou scientifiques pour renforcer l’adéquation entre l’offre de formation et les besoins sur le marché de l’emploi», déplore l’orateur.

Pour lui, au lieu de revendiquer régulièrement des augmentations de salaires, de lancer des mots d’ordre de grève, les enseignants, qui ne sont pas les oubliés de la République, devraient d’abord se soucier de l’avenir de nos enfants. «Notre système éducatif est en panne. Nous devons le réformer. J’en appelle ici comme ailleurs à une transformation en profondeur car tout doit être remis à plat. Des mesures fortes et immédiates seront prises ! Tout d’abord, une réforme des conditions d’obtention de la bourse. Celle-ci sera désormais attribuée sur la base de critères sociaux et académiques, autrement dit au mérite et en tenant compte des revenus des parents», relève-t-il. La limite d’âge, le choix des filières et les besoins de l’économie gabonaise feront désormais partie des critères d’octroi des bourses scolaires.

Il a ainsi annoncé l’avènement d’une task force sur l’Education. «Celle-ci sera chargée de faire des propositions fortes, concrètes et d’application immédiate, c’est à dire dès la rentrée prochaine. L’objectif : remettre le secteur de l’éducation à flot du primaire au supérieur, créer un lien entre système éducatif et monde de l’Entreprise et revaloriser les filières professionnels et techniques», précise le président de la République. «Ces réformes peuvent, certes, nous perturber car elles bousculent le poids des habitudes. Elles incitent à une remise à plat. Elles nous imposent de nous remettre en cause. Elles sont destinées à améliorer la vie des Gabonaises et des Gabonais. Leur objectif est de donner une chance à nos enfants de vivre demain dans une meilleure situation que la nôtre. Si ces réformes ne sont pas mises en œuvre, le Gabon, certes, ne disparaîtra pas, mais il s’appauvrira. Et cela, je ne l’accepterai pas», conclut-il.

FIN/INFOSGABON/PM/2018

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